L’absence de travaux sur l’articulation entre métiers d’ordre et question LGBT interroge, tant le rôle de l’institution policière apparaît centrale pour comprendre l’évolution de la place des personnes LGBT dans la société française. Tout d’abord parce que, en tant qu’institution chargée de la mise en œuvre de la loi pénale, l’action policière reflète en effet les évolutions du droit et, à travers lui, les changements des mœurs. Ensuite parce que les homosexuels ont longtemps fait partie de la clientèle policière dite des “indésirables”, au même titre que les prostitué.e.s, les vagabonds et les étrangers, sur lesquels s’abattait la coercition policière par le biais, de contrôles, rafles, fichage. À partir de la dépénalisation de l’homosexualité au début des années 1980, l’approche répressive de l’homosexualité a progressivement laissé la place à une reconnaissance des droits. Le projet “HomoCop” vise à comprendre ce passage de la répression à la reconnaissance à travers les transformations des rapports de genres au sein de l’institution policière.
La police et la gendarmerie françaises sont traditionnellement hostiles à toute forme de revendications professionnelles fondées sur des identités genrées, sexuelles et/ou ethnoraciales. À la différence des pays anglo-saxons, les revendications professionnelles sont en France portées par les seuls syndicats de police et se concentrent uniquement sur des dimensions corporatistes. Il existe cependant depuis 2001 une association professionnelle qui réunit des policiers et des gendarmes LGBT de tous grades dont le mode d’action semble aller à l’encontre des traditions en vigueur dans les professions policières. “HomoCop” cherche à comprendre comment, en France, des policiers et policières se sont mobilisés afin de rendre visible les discriminations qu’ils et elles subissent et/ou celles du public LGBT et, plus largement, cherche à analyser les rapports de pouvoir internes à l’institution policière.
À partir d’entretiens qualitatifs avec des policiers et policières, nous (Jérémie Gauthier & Régis Schlagdenhauffen) travaillons sur la manière dont les trajectoires professionnelles sont affectées par les sexualités LGBT. Cette dimension constitue bien souvent un enjeu de premier plan dans des professions où le rapport à la force physique et au corps sont centraux et où se mêlent parfois vie privée et vie professionnelle. À titre d’exemple, le droit à des couples homosexuels de vivre ensemble dans les casernes de gendarmerie traduit des transformations juridiques, morales et culturelles de l’institution gendarmique. En analysant ainsi les rapports de pouvoir internes à l’institution policière et en objectivant les clivages produits autour des questions de genres et de sexualités, la recherche permet de comprendre quelles sont les conditions d’émergence de la question LGBT dans l’espace professionnel policier français.
La méthodologie employée est mixte :
- Dépouillement et analyse d’archives,
- Synthèse statistique des crimes et délits homophobes traités par la police et la gendarmerie
- Réalisation d’entretiens approfondis et d’observations.
La recherche se déploie dans trois axes :
- Axe 1 : Le rapport de l’institution face aux personnes LGBT
- Axe 2 : Trajectoires et positions minoritaires des policier.es LGBT
- Axe 3 : Mobilisations professionnelles des policier.es LGBT
Plus d’infos sur le projet HomoCop sur le site de l’Iris-EHESS >> http://iris.ehess.fr/index.php?3737