Parution – Histoire et mémoire de la persécution des homosexuel-le-s par les nazis

Le n°125 de la revue Témoigner. Entre histoire et mémoire que j’ai eu le plaisir de coordonner est désormais paru. Il comporte notamment les contributions de Florence Tamagne, Claudia Schoppmann, Jean-Luc Schwab et Sam Seydieh en plus d’une introduction générale (Régis Schlagdenhauffen) faisant l’état des lieux de la recherche sur ces questions.
Dans son article, Forence Tamagne, nous rappelle que la persécution nazie des homosexuels d’Allemagne s’est déroulée sur une période de douze ans (1933-1945). Conduisant à plus de 100 000 arrestations à travers tout le pays et au déploiement de formes de persécution jusqu’alors quasi inédites, elles témoignent du souci qu’avait le système national-socialiste d’éradiquer l’homosexualité au moyen du déploiement combiné de dispositifs coercitifs et prophylactiques : traitements médicaux infligés sous la contrainte, castration, expérimentations de toutes sortes. Ces dispositifs ont conduit à briser des dizaines de milliers de vies de ces femmes et hommes envoyés en prison et en camps de concentration, dont seuls quelques-uns ont survécu.
Suite à cela, Claudia Schoppmann propose une synthèse des recherches sur les femmes lesbiennes sous la botte nazie. S’appuyant sur des témoignages de survivantes de la déportation, elle montre la vivacité d’une sous-culture lesbienne à l’intérieur de l’univers concentrationnaire, mais aussi les tensions inhérentes à un univers fermé et monosexué qui, pour différentes raisons, avait tendance à mettre sur la touche les femmes homosexuelles. Cet article nous offre ainsi une plongée dans un univers qui n’est pas exempt de violences, notamment sexuelles.
Puis, Jean-Luc Schwab, dans un article intitulé “La répression de l’homosexualité en France entre 1940 et 1945” décrit et analyse les manières dont la répression de l’homosexualité a pu s’exercer en France durant la Seconde Guerre mondiale. Selon qu’il s’agisse de la France dite libre, de la France occupée ou encore de la France annexée (Alsace-Moselle), trois formes de persécution judiciaire et extra-judiciaire ont pu être démontrées. Dans le premier cas, l’État a fait appel, dès 1940, à l’internement administratif. En zone occupée, tout Français qui entretenait une relation intime avec un soldat d’occupation était susceptible d’être poursuivi par une cour spéciale allemande au titre de l’article 175 du Code pénal du « IIIe Reich » réprimant les relations « contre nature ». Enfin, en France annexée, le régime nazi a agi en combinant persécution extra-judiciaire et judiciaire dans le cadre de la Gleichschaltung, la mise au pas, de ces trois départements de l’Est de la France. Au final, pas moins de 370 homosexuels ont été victimes de cette politique et la plupart de ces hommes ont été internés pour ce motif dans un camp de rééducation spécial (Schirmeck).
Enfin, Sam Seydieh s’intéresse dans son article à la façon dont les différentes formes d’évocation de la déportation pour motif d’homosexualité (témoignages, recherche des traces, commémorations) contribuent à créer un registre d’engagement singulier au sein de l’espace militant LGBT (lesbien, gay, bi et trans). Il montre ainsi que l’espace militant, au cours de ses transformations et malgré ses divergences, constitue un lieu d’interaction entre plusieurs niveaux de mémoire (mémoires empruntées des militant.e.s, mémoire historique élaborée par les militant.e.es autour d’un passé commun, mémoires communes des luttes). Son article permet de comprendre le rôle de la socialisation militante dans la transmission du sens de ce passé de persécution. Pour expliquer les ressorts d’un engagement basé sur la référence à la déportation pour motif d’homosexualité, son texte saisit ces engagements par le biais d’une analyse des contextes institutionnels d’une part et des carrières militantes d’autre part.

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