Jusqu’à la fin de sa vie, Robert Badinter s’est engagé pour la dépénalisation universelle de l’homosexualité

Le 30 mai 2022, Robert Badinter me contacta. Lui, qui fut l’artisan de la loi du 4 août 1982 voulait en savoir plus sur mes travaux portant sur la répression pénale de l’homosexualité en France. Lors des échanges qui s’ensuivirent, il me rappela le contexte de l’abrogation de la loi de 1942 qui réprimait l’homosexualité. Selon lui, abroger cette loi promulguée sous Vichy, et reprise telle quelle à la Libération, était une nécessité, un devoir moral, pour lui et pour la France. En tant qu’ancien avocat, il avait une conscience aiguë de ce que vivaient beaucoup de gays et de lesbiennes au tournant des années 1980 : opprobre sociale, honte, secret, ce à quoi s’ajoutait le risque d’une condamnation pénale et donc d’un procès, souvent relayé par la presse locale d’ailleurs. A ses yeux, les espoirs suscités par l’élection de François Mitterrand, imposaient à la France de changer de logiciel et donc, de « dépénaliser l’homosexualité ». La tâche ne fut pas simple dit-il, et on lui mit de nombreux bâtons dans les roues, de toutes part (la proposition de loi fut d’ailleurs inscrite in extremis à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale pour la veille les vacances parlementaires).

Il me parla aussi du chemin parcouru entre 1982 et 2022, mais aussi des efforts qu’il restait à déployer : d’une part pour regarder le passé avec clairvoyance (en effet de nombreuses recherches doivent encore être réalisées sur le sujet et l’État s’honorerait à les encourager) ; d’autre part il voulait toujours aller de l’avant et faire en sorte que la soixantaine de pays qui condamnent encore l’homosexualité à mort aujourd’hui ne la répriment plus.  

Avec l’humilité qui le caractérisait, il pensait qu’il était en effet de son devoir de continuer d’agir avec vigueur, car la répression de l’homosexualité constituait et constitue pour lui une « injustice majeure » allant à l’encontre des idéaux qui sont les siens, les nôtres, et ceux de la France. Car, dès lors qu’il s’agit d’adultes consentants, la loi pénale n’a pas à s’immiscer dans leur lit. 

Perdre Robert Badinter signifie donc aussi perdre un avocat de la cause homosexuelle et LGBT, perdre un homme courageux qui a pris la parole et les devants pour (et souvent à la place de) celles et ceux qui n’osaient, ou ne pouvaient, pas le faire, par crainte d’être « outés », de ne pas plaire à leur électorat, ou de voir leur vie détruite. Parachever son combat en la matière pourrait se faire de deux manières : d’une part en accomplissant son souhait de rendre leur juste place aux personnes condamnées pour homosexualité par la France entre 1942 et 1982 au sujet desquels nous ne savons que trop peu de choses, tant ces personnes ont été oubliées ; d’autre part en œuvrant à l’international pour la dépénalisation universelle de l’homosexualité qu’il appelait de ses vœux. 

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