Eugène Wilhelm (1866-1951) compte parmi les premiers juristes à avoir pensé l’orientation sexuelle d’un point de vue juridique à un moment où les approches médicales et psychiatriques étaient privilégiées pour délimiter ce que nous appelons communément l’orientation sexuelle. Son journal intime inédit, fort de 55 carnets (soit 8000 pages rédigées en français sans discontinuité de ses 19 à ses 86 ans[1]), nous donne à comprendre comment le droit a servi d’outil à ce diariste afin d’objectiver son propre vécu. Rédigé à la première personne, il permet de comprendre comment Wilhelm en est venu à s’engager anonymement puis sous pseudonyme en faveur de la dépénalisation et de la reconnaissance de l’homosexualité à travers diverses publications dans des revues juridiques et sexologiques. Deux types de sources seront mobilisées dans la suite du propos : d’une part son journal intime ; d’autre part quelques articles significatifs et fondateurs d’un questionnement juridique relatif à l’homosexualité. Après une brève présentation d’ordre biographique, nous allons appréhender sa carrière professionnelle de juge puis d’avocat avant d’approfondir sa réflexion en nous appuyant sur quelques unes de ses publications en lien avec la sexualité. Il s’agira de montrer la tension continuelle entre les deux dimensions professionnelles et personnelles de sa vie et au delà d’éclairer comment vie intime et trajectoire intellectuelle s’alimentent l’une l’autre.
Eléments de biographie
Suite à l’obtention de son baccalauréat, Eugène Wilhelm s’inscrit à la rentrée universitaire de l’année 1885/86 à la Faculté de droit de l’Université de Strasbourg (Kaiser-Friedrich-Wilhelm Universität). Il y obtient, cinq ans plus tard, en 1890, le titre de Dr. iur., après avoir soutenu une thèse intitulée L’instant de l’illéicité en cas d’injure (Das Moment der Rechtswidrigkeit bei der Beleidigung[2]). Se destinant à la magistrature, il effectue divers stages en qualité de référendaire dans plusieurs tribunaux d’Alsace et de Lorraine, jusqu’à sa nomination, en novembre 1893, comme juge assesseur à l’équivalent de l’actuel Tribunal d’Instance de Strasbourg. Sa carrière connaît son point culminant en 1906, lorsqu’il est nommé juge général. Il démissionne en avril 1908 pour « raisons personnelles[3] ». Grâce à la victoire des alliés sur l’Allemagne, sa carrière professionnelle connaît un second souffle. Au lendemain de la Première Guerre mondiale – et donc du retour de l’Alsace à la France –, il obtient son inscription au barreau de Strasbourg en qualité d’avocat. Quelques mois plus tard, il est admis en tant qu’avoué. C’est ainsi qu’il réapparaît dans l’arène des juristes, notamment grâce à sa bonne connaissance de la langue française, sachant qu’à l’époque rares étaient les avocats francophones en Alsace. C’est aussi sa connaissance du français qui fait de lui un soutien indispensable à la publication régulière d’un périodique dont il est le cofondateur, la Revue juridique d’Alsace-Lorraine (qui traite notamment des subtilités liées au droit local). En 1938, il décide à l’âge de 72 ans, de quitter le secrétariat de rédaction de la Revue[4]. Il démissionne du barreau le 31 mai 1948 pour prendre sa retraite d’avocat, il a alors 83 ans. Il s’éteindra le 23 octobre 1951 dans sa 86e année.
Parallèlement à son activité de juriste Eugène Wilhelm s’est très tôt intéressé à la question de l’homosexualité. Comptant parmi les premiers membres du Comité scientifique humanitaire (fondé en 1897 à Berlin[5]), il participe dès 1899 aux Annales des sexualités intermédiaires (Jahrbücher für sexuelle Zwischenstufen), la revue dirigée par le sexologue Berlinois Magnus Hirschfeld. Il y publie de nombreux articles ainsi qu’une « Bibliographie de l’homosexualité » sous le pseudonyme de Numa Praetorius[6]. (Ce pseudonyme constitue une référence à un autre juriste allemand, Karl Heinrich Ulrichs, alias Numa Numantius, qui forgea notamment la notion d’uranisme en 1864[7].) Cependant, comme son journal l’atteste, ses réflexions juridiques relatives à l’homosexualité sont plus anciennes et ont notamment influencé Richard von Krafft Ebing, psychiatre renommé de l’époque, auteur de la célèbre Psychopathia Sexualis. Afin de comprendre ce processus d’engagement multiforme, il convient de se livrer à un travail d’introspection que le Journal intime d’Eugène Wilhelm nous permet de mieux saisir.
Le journal intime comme archive du quotidien d’un juriste
La rédaction du journal intime débute le 16 juillet 1885, à la veille de l’examen du baccalauréat. Il prend une tournure particulière lorsque le diariste s’inscrit à l’Université à la rentrée 1886 et qu’il découvre à la salle de lecture de l’Université un sujet qui le passionnera : le « sentiment sexuel contraire[8] ». Jeune homme plutôt solitaire, Eugène Wilhelm passe la majorité de son temps à la bibliothèque et ne se constitue que peu de relations avec ses camarades. Il le souligne dans une entrée du lundi 2 août 1886 qui fait office de bilan de sa première année d’étudiant :
« Journée pluvieuse et monotone. Voilà la première année d’université de passée. Je n’ai pas trouvé tout ce que j’attendais de la vie d’étudiant, encore une illusion d’envolée. […] Des Allemands je n’ai pas appris à en connaître et même si j’avais voulu [,] je n’aurais pas pu[9]. »
Le bilan relatif à la première année d’étudiant montre quelques traits particuliers de ce diariste qui, comme beaucoup de diaristes d’ailleurs, est plutôt introverti et solitaire. La deuxième année de droit lui semble en revanche moins ennuyeuse. Wilhelm débute son premier travail juridique qu’il consacre à la question de l’honneur. Durant sa quatrième année de formation, il effectue un stage au parquet. Les pages s’y référant nous permettent de mieux appréhender la subjectivité du juriste et son ressenti face au climat délétère qui règne en Alsace.
« Le procureur Hasemann est par moment assez froid envers moi, quand il le peut, il cherche à me trouver en défaut ; je crois parce qu’il me sent trop différent de lui, surtout parce qu’il me devine antipathique aux mœurs et idées allemandes[10]. »
Eugène Wilhelm tout comme nombre d’Alsaciens entretient des relations complexes avec l’autoritarisme allemand. Sa vocation de magistrat s’affirme dès lors aussi comme un moyen d’œuvrer de l’intérieur contre le régime prussien. Cependant, nous dit-il,
« en entrant dans l’administration allemande je serai forcé d’exécuter les ordres du gouvernement et précisément [ill.] surtout les idées rétrogrades et à moi antipathiques de l’Empereur actuel – j’y souscrirai par le fait même que je serai fonctionnaire. N’aurais je pas des conflits entre l’exécution de ce que j’abhorrerai et ce que je voudrais voir réalisé. Et puis ne serais-je pas forcé d’être serviteur et appui d’un gouvernement, que je n’aimerai pas, dont les principes me seront étrangers ? D’un gouvernement qui n’a réussi qu’à s’établir en Alsace que par la force et contre la volonté des habitants. […] D’autre part, je puis faire du bien étant fonctionnaire, je puis prendre la place d’un Allemand[11]. »
Les Allemands exercent effectivement aux plus aux plus hauts niveaux des rouages de la justice et de l’Université en Alsace et c’est d’ailleurs devant un jury composé de professeurs « Vieux-Allemands » que Wilhelm soutient sa thèse en août 1890, première étape vers de nouvelles fonctions. Il inscrit dans son journal à la date du samedi 28 août que l’examen du doctorat,
« enfin est arrivé […]. Je ne suis pas précisément en inquiétude, quoique ce soit toujours un moment de perplexité à passer. Je n’éprouve pas grande impression avant ni pendant l´examen ; cela surtout étant sur de passer, personne dont le travail est reçu, n’ayant encore été coulé. [On] m’interroge : sur les constitutions des empereur romains, sur l’exceptio, l’intentio exceptio Macedoniana […] avec exemples. Réponses bonnes. [Puis] sur le droit des peuples, l’Etat du Congo. Réponses médiocres. [Enfin] sur le Civilprocess […] avec exemples : je bafouille, ne me représente pas bien les exemples[12]. »
À la rentrée suivante, il s’engage en tant que référendaire. Dans une entrée du lundi 8 Septembre 1890, il note,
« assisté à la chambre correctionnelle aux délibérations des juges, vu comment souvent d’une manière arbitraire ou hasardeuse se forme l’opinion des délibérateurs, et puis remarqué combien peu les distinctions juridiques et légales on[t] de valeur dans l’appréciation des ces juges, en somme la plupart du temps c’est d’après l’impression générale qu’ils jugent ; très-souvent le coupable (ou non coupable dans des cas douteux) dépend de la mine plus ou moins sympathique ou antipathie de l’accusé, de l’opinion entêtée d’un des juges, qu’il s’est formé d’après l’une ou l’autre déposition des témoins. […] Que n’y aurait-il pas à réformer dans le droit pénal [?] Et puis cette complète indifférence [concernant] comment l’accusé en est arrivé à son crime, pas le moindre soucis de la psychologie de l’accusé. Le contraste entre le but de la peine et son application est flagrant. D’un côté on puni[t] pour préserver la société, et d’autre côté on ne cherche nullement le vrai moyen d’y arriver[13]. »
L’expérience du parquet donne lieu à de nombreuses entrées dans le journal. En marge de ce qui relève du quotidien, certaines entrées permettent d’appréhender la complexité de la situation personnelle dans laquelle se trouve Wilhelm en tant que magistrat ayant une sexualité réprimée par la loi. Il note ainsi le mardi 13 novembre 1894 :
« Ce matin à la séance la première affaire ce fut : délit contre nature. Mon émotion [fut] vive, le choc dure encore. Un adorable, ravissant charmant j. h. de 22 ans l’accusé ; ah qu’il m’aurait plu et comment au lieu de le juger aurais-je préféré le presser amoureusement dans mes bras […]. Je demande s’il n’appartient pas à la classe des Conträr de sexe que Krafft-Ebing décrit sans son livre [Psychopathia Sexualis]. Le procureur relève dans son discours que l’admission de perversion sexuelle rendrait le §175[14] inutile. […] Je n’ai pas épargné mes regards de pitié et de sympathie à l’accusé : Et dire que je ne peux l’aider, dire que rien, rien n’est possible en sa faveur. Et dire que moi aussi je puis venir dans la même situation […]. Oui moi aussi je suis un Conträrsexuale, un Urning[15] ; et je n’en ai pas honte ; la nature m’a donné cet instinct et j’ai autant de droit à le satisfaire que vous autres, j’ai autant de droit à l’amour que vous idiots et plus vous me condamnerez plus vous me ferez vous haïr et reconnaître plus clairement l’injustice de vos lois, la profondeur de votre stupidité et la grandeur de votre inintelligence[16]. »
L’entrée ci-dessus, particulièrement limpide quant à la manière dont Wilhelm considère ses collègues mais aussi le droit qu’il est en charge de faire appliquer est annonciatrice de doutes de plus en plus nombreux quant à sa vocation et aux limites de son exercice. Parallèlement, l’expérience de la non-assistance à laquelle il se voit contraint constitue le prélude à sa volonté de plus en plus ardente d’agir à sa façon sur le droit[17]. Le mal-être qu’il éprouve face aux conceptions médicales et psychiatriques de ses contemporains relatives à l’homosexualité lui fait rechercher le réconfort dans la lecture de publications sur l’« amour grec ». De là émerge son questionnement sur l’origine de la réprobation sociale de l’amour entre personnes de même sexe. La création des Annales des sexualités intermédiaires (1899) marque le début de son engagement militant en mettant ses compétences de juriste au service des réformateurs sexuels. L’année 1899 marque effectivement une prise de distance radicale comme il le note dans son journal.
« Beaucoup ne me trouvent pas assez d’idées allemandes, trop indépendant, trop moi, trop j’m’enfoutiste ; certes beaucoup remarquent combien je suis dissemblable du fonctionnaire modèle, chien-couchant, réactionnaire, jurant par les opinions des supérieurs, respectueux des grades et des titres[18]. »
Il faut cependant attendre huit années pour que l’exercice de plus en plus laborieux d’une profession sans passion trouve une issue, quelque temps après le procès « Moltke-Harden[19] » qui embrasa l’Allemagne, allant jusqu’à faire vaciller l’Empereur. Dans une entrée du 11 avril 1908, il note :
« une période plus angoissante et torturante si possible que les précédentes est derrière moi et même pas encore terminée. La chose terrible, que j’appréhendais déjà [depuis] longtemps est arrivée : la découverte. […] Un ancien policier, arrêté pour proxénétisme, a dit : “lui on l’arrêtait et Hildebrandt (un des individus qui a écrit la lettre de chantage du mois de novembre) on le relâchait parce qu’il m’avait enculé !” Je devais porter plainte. J’ai refusé ne voulant pas de procès public, pas de Moltke-Process, où tous mes sentiments les plus intimes seraient dévoilés et trainés à travers tous les journaux. De suite entrevue avec Petri [sous-secrétaire d’Etat], le président vient. Conférence entre Petri, le président et Stadler[20]. Résultat, suite de mon attitude, – il est vrai singulière – on laisserait envoyer les dénonciations par le préfet de police au 1er procureur, qui agirait suivant la loi[21]. »
Quelques semaines plus tard, Wilhelm revient sur cet épisode douloureux à travers une vibrante entrée de son journal :
« les angoisses que j’ai subies et que je subis encore sont terribles ; depuis 6 semaines incapables de quoi que ce soit. […] Pourvu que l’affaire se termine relativement bien et qu’il n’y ait pas de grand scandale. Le scandale étouffé suinte déjà. La dégoûtante Bürgerzeitung a mis une note d’après laquelle une instruction pour délit contre le § 175 était ouverte contre un juge d’ici. Tout le monde a deviné que j’étais visé. Plus tard est venu un démenti de la nouvelle publiée par un autre journal que deux juges avaient été suspendus de leurs fonctions. Mais malgré cela tout le monde suppose que j’ai une histoire et tout le monde me sait homosexuel[22]. »
La dénonciation et ses conséquences nous permettent d’expliquer la période de creux mentionnée dans la biographie de Wilhelm (1908-1918). Durant celle-ci, il se consacre à des publications juridiques sous le pseudonyme de Numa Praetorius principalement et poursuit en parallèle ses recherches sur l’homosexualité, profitant d’une rente que lui alloue son père.
Ce n’est qu’avec le retour de l’Alsace à la France que Wilhelm se dit résolu à devenir avocat. Il compte en effet parmi les rares juristes Alsaciens parlant le français. L’idée se concrétise en mars 1919, quelques jours avant la signature du Traité de Versailles lorsqu’il assiste à une réunion d’avocat durant laquelle est
« décidé le numerus clausus afin que les avocats français ne submergent pas le barreau. Crainte de plusieurs […] que les avocats français seront supérieurs aux Alsaciens à cause de leur facilité de parler français. Il est exigé que l’Allemand reste facultatif, si l’accusé ne sait pas le français. Sans cela menace de grèves des avocats. J’avertis de ne pas recourir à ce moyen extrême, ce serait un scandale épouvantable avec suites impossible à prévenir, je crois qu’on dégommerait tous les avocats Alsaciens et qu’on les remplacerait par les Français[23]. »
Suite à cette réunion, il abandonne ses fonctions d’administrateur séquestre qu’il exerçait jusqu’alors. À cette occasion il relate une anecdote plutôt cocasse avec Carré de Malberg :
« Vive altercation avec le président du tribunal Carré de Malberg. Il était venu le samedi après-midi visiter le bureau place Kléber et n’y trouvant personne, m’a laissé une carte, sur laquelle il écrivit “Je n’ai pas de vous dire quelle estime je fais de votre administration”. Je vais furieux chez lui, il me récrie “attendez” lorsque je veux entrer. Je riposte “C’est ce que je fais”. Il arrache la porte et crie “Alors entrez”. Qu’est ce que vous avez dit ? Je répète, “vous m’avez dit d’attendre et j’ai répondu c’est ce que je fais”. Il crie quand je lui mets la carte sous le nez. “Quoi vous osez ?” Non, je viens vous demander, je me permets de vous demander comment dois-je interpréter cette carte ? “Et bien [on] dit que votre administration ne vaut rien…” Pendant son discours, il est assis, moi debout, je ne veux pas avoir l’air, d’être un écolier en faute devant un précepteur. Je m’assieds, il me crie, “je ne vous ai pas dit de vous asseoir”. Je me dresse lui criant : “M. le président, je ne suis pas votre employé”. Il profère des menaces, que j’interprète comme s’il voulait me faire arrêter par l’autorité militaire. En tout cas il dit “je vais faire chercher le procureur, ou plutôt allons y de suite”. “C’est ce que je préfère”, que je dis. Nous montons chez Cura. La discussion s’envenime. » Chez Cura : « “du reste M. Wilhelm est maintenant avocat-avoué”. Carré tressaute : “Comment ? Mais il y avait pourtant une vive opposition à la Cour…” Je demande “Comment ?” – “Oui”, répondit-il, “n’insistons pas…” Mais si, “pourquoi y avait-il opposition ? ” Oui, précisément contre la nomination de M. Wilhelm, dit Carré à Cura. J’insiste : “Pour quelle raison ? ” – “Vous devez savoir, pourquoi vous êtes sorti de la magistrature allemande ? N’insistons pas”. Je suis atterré et me retire balbutiant, je donne ma démission[24]. »
Suite à cette altercation, nous pouvons lire la conclusion suivante dans son journal :
« Je vois que c’est précisément ma renommée d’homosexuel qu’il a connu et qui l’a incitée à me traiter comme il l’a fait. La chose me donne un fort coup. Les anciens fantômes revivent et me poursuivent. Un homosexuel surtout notoire doit se tenir caché, je ne l’ai pas fait[25]. »
La sexualité d’Eugène Wilhelm, et le fait qu’il assumait son désir pour des personnes de son sexe ont eu des conséquences variées et coûteuses à commencer par la démission de ses fonctions de juges, puis de houleux débats lorsqu’il sollicita la charge d’avocat-avoué en 1919. Le coût social de l’homosexualité a connu son point d’orgue lorsqu’à l’automne 1940, il est arrêté pour « homosexualité » par la Gestapo. Il relate cette arrestation ainsi que son incarcération et son internement au camp spécial de Schirmeck dans le carnet 43 de son journal. Cet épisode mériterait assurément un plus ample développement dans la mesure où il nous informe de son expérience subjective de la détention et du monde concentrationnaire. Je ne me permettrais toutefois qu’une seule citation relative à l’arrestation, car elle témoigne de la verve et de l’aplomb du juriste alors âgé de 74 ans au moment des faits[26] :
« Jeudi matin [le 17 octobre] arriva un policier et un agent en civil (un Alsacien). Je dus les suivre à la Sicherheitspolizei [au] 4e étage. Le policier allemand m’accusa d’avoir eu des rapports homosexuels. Je déclare jamais [n’]avoir fait pareille chose et si cela était le cas, cela n’aurait pas été punissable et ne le serait pas encore, la loi allemande n’étant pas [étendue] et du reste n’aurait pas d’effet rétroactif. Alors il faudra lâcher tous les autres homos. arrêtés[27]. »
L’engagement dont témoigne Wilhelm lors de son arrestation en 1940, allant jusqu’à braver les autorités allemandes en situation d’annexion de fait, s’inscrit dans le prolongement de sa volonté de lutter pour la dépénalisation des relations sexuelles entre majeurs consentants de même sexe et plus généralement de son engagement pour la reconnaissance de l’homosexualité puis de l’intersexualité comme formes de vie dignes et légitimes. Dans la partie suivante nous allons illustrer la manière dont cet engagement s’est manifesté, notamment à travers quelques publications juridiques. La première est relative à l’homosexualité et tend à attester que Wilhelm compte parmi les premiers juristes à s’être intéressés aux droits des homosexuels ; la seconde témoigne d’un intérêt plus vaste pour les identités sexuelles, notamment celles questionnant le binarisme masculin/féminin et les problèmes que cela suppose en droit.
Publier pour agir sur le droit
Parallèlement à la rédaction de sa thèse de doctorat, Eugène Wilhelm songe à un premier travail sur la sexualité. Le 18 juillet 1890, il se dit « résolu d’envoyer mon autobiographie à Kraft-Ebbing, en même temps je lui donnerai l’idée d’une pétition pour abroger le paragraphe du code pénal 175[28]. » Alors âgé de 24 ans, il sait qu’en théorie il n’est pas le seul être humain à éprouver des désirs que l’on qualifierait aujourd’hui de bisexuels. Wilhelm a par ailleurs conscience que le droit pénal allemand en vigueur en Alsace condamne les relations sexuelles dites « contre-nature ». Afin de comprendre les tenants et aboutissants des risques encourus au pénal, il entame ce qu’il qualifie lui-même d’un « petit travail juridique sur l’instinct sexuel contraire et son rapport avec §175 ; travail que j’ai l’intention d’envoyer à Liszt, le champion de la réformation en droit pénal[29]. » Franz von Liszt (1851-1919) est en effet connu pour être l’un des fondateurs de la criminologie (1889). L’article en question est effectivement publié dans la revue que coordonne Liszt, la Zeitschrift für die gesamte Strafrechtswissenschaft. Il est signé Dr. jur *** et postfacé par Richard von Krafft Ebing et porte pour titre « l’article 175 du Code pénal allemand et l’amour uraniste[30] ». Le choix du titre indique que l’auteur cherche avant tout à problématiser une relation (amoureuse) qui dépasse la question des actes sexuels ouvrant ainsi la voie à une réflexion en termes de catégories sexuelles et d’identités sociales et non plus d’actes.
Dès l’introduction, l’auteur prend appui sur les travaux de Krafft-Ebing dont la Psychopathia Sexualis, ouvrage majeur nous dit-il, qui a publicisé un phénomène peu connu : le sentiment sexuel contraire. Excepté brièvement par Liszt (dans son manuel de Droit pénal de 1891), cette question n’avait jamais été abordée d’un point de vue juridique. D’ailleurs, il semble assez délicat de comprendre ce que peut entendre le droit par l’expression de relation « contre-nature ». Selon un sens restreint, le mot désignerait toute satisfaction sexuelle qui ne passerait par l’union des organes génitaux masculins et féminins. Nous savons que de telles pratiques sont possibles entre hommes et femmes, sur notre propre corps, avec des objets inanimés, entre femme et femme, entre homme et homme et entre humain et animal. Cependant le Code pénal allemand ne condamne que les deux derniers types d’actes. Dans la pratique, si l’on considère que le législateur n’a pas cherché à condamner toutes les relations « contre-nature », il convient d’admettre que le §175 du Code pénal allemand qui dit condamner les relations sexuelles contre-nature ne condamne que la pédérastie, c’est-à-dire l’introduction du pénis dans l’anus. Mais qu’en est-il au juste des autres types de relations qui se rapprochent du coït ?
Après un long développement sur les différents types de pratiques qui ne sont pas condamnées par la loi mais qui ne relèvent pas d’une finalité naturelle, l’auteur en vient à considérer que la restriction du concept de « relation contre nature » à la seule pédérastie repose sur l’argument suivant : la nécessité qu’a éprouvé le législateur de condamner l’agent de tels actes en raison du fait que la conscience populaire (Volksbewusstsein) considère ce type de comportement comme un crime provoquant la dégénérescence (Entartung) et la dépravation (Entsittlichung) des mœurs.
Dans une seconde partie de l’article, l’auteur en vient à s’intéresser aux uranistes[31] en tant que catégorie sociale particulière dont il présente les formes de socialisation[32].
D’emblée, il distingue donc le sentiment sexuel contraire innée de celui acquis, ce qui montre qu’il se place en porte à faux avec les théories de la déviation congénitale. Il considère donc qu’il convient de mettre sur un même pied les uranistes de naissance et ceux qui le sont devenus, autrement dit de les appréhender en tant que catégorie sexuelle. Ceux qui selon Wilhelm réunit les deux sous-types d’uranistes serait un point commun : celui de désirer partager leur vie avec une personne de même sexe, et s’il existait un mariage entre hommes, ils seraient prêts à partager leur vie avec leur bien aimé.
Or, nous dit Wilhelm, il convient de noter que seuls quelques uranistes pratiquent la pédérastie telle que nous l’entendons. La plupart se contentent d’embrassades, de baisers, de masturbation mutuelle, de coït intercrurial, d’onanisme buccal. Par ailleurs, l’uraniste sait que d’un point de vue moral ses actes sont réprouvés, cependant sa nature lui rend impossible de les éprouver ainsi. Krafft-Ebing a décrit la situation complexe dans laquelle ils se trouvent par conséquent. D’un côté, ils se doivent respecter la loi, de l’autre, s’ils veulent la respecter, ils sont obligés de renoncer à toute satisfaction sexuelle pour s’y conformer. Or, la sexualité est importante dans la vie humaine et l’Etat le reconnaît puisqu’il la considère comme un « bien individuel » (« ein Gut des einzelnen »). En conclusion, si l’on ne voulait pas condamner un uraniste pour infraction au §175 il conviendrait soit d’invoquer une clause d’exception soit plus généralement d’abroger le §175 et cela pour deux raisons. La première, parce toute poursuite judiciaire pour homosexualité engendre une forme de destruction sociale (sozial vernichtet). Il se révèle impossible de réparer la perte de l’honneur qui s’ensuit, même après acquittement. Deuxièmement, parce que l’abrogation du §175 ne causerait que peu de dommages. D’autres législations ont fait ce choix depuis fort longtemps, dont la législation française. »
À partir de 1894, Eugène Wilhelm devient un partisan de l’abrogation de l’article 175[33]. Son engagement se concrétise à travers son adhésion au Comité scientifique humanitaire dont l’un des objectifs est justement l’abrogation de cet article du Code pénal. Puis, à partir des années 1900, Wilhelm ouvre un autre volet de ses recherches en s’intéressant à la manière dont le droit civil considère l’homosexualité. Dans un article publié en 1904[34], il aborde cette question selon trois points que nous allons restituer brièvement. En premier lieu, il aborde les liens juridiques et sociaux entre la question de l’homosexualité et celle mariage. Cela lui permet d’introduire une réflexion sur les liens entre homosexualité et divorce, dans la mesure où l’orientation sexuelle peut constituer un motif de divorce (que ce soit parce que le mariage n’est pas consommé ou lorsque l’une des parties s’estime flouée en raison d’une particularité du co-contractant inconnue lors du mariage). Un deuxième point qu’il aborde est relatif au lien entre homosexualité et perte de la réserve héréditaire (part réservataire). En effet, elle peut être retirée si l’on mène une vie « immorale », or l’homosexualité est considérée comme telle. Enfin, une troisième partie est consacrée à la question de la capacité d’action. Il examine successivement la capacité délictuelle, la capacité d’action réelle et la question de la mise sous tutelle/curatelle dès lors que l’homosexualité (entendue à l’époque comme « inversion sexuelle ») est considérée comme une maladie mentale. De là découle la question de la responsabilité.
Un troisième champ que Wilhelm explore dans le prolongement de celui initié sur l’orientation sexuelle est celui de l’intersexualité[35]. Il publie en 1909 L’hermaphrodite et le droit. De lege lata, de lege ferenda[36], premier ouvrage de droit sur la question. Fidèle à son procédé, après une présentation de l’état de l’art en matière médicale, il s’intéresse dans un premier temps à la question de la responsabilité. Ensuite, Wilhelm observe que le code civil de l’époque ne contient aucune disposition relative aux hermaphrodites[37]. Leur situation juridique est en théorie claire, ils sont à traiter soit en homme, soit en femme. Cependant, comment déterminer le sexe ? Le droit reste muet sur la question. Faut-il privilégier la présence ou l’absence d’attributs primaires, de certaines glandes ? Peut-on accepter l’idée d’un sexe douteux ? Ne pourrait-on pas admettre un genre neutre ? Et qu’en est-il au moment du mariage ? Tout en admettant que les mariages entre personnes de même sexe sont impossibles, Wilhelm reconnaît que de pareilles unions ont eu lieu avec des hermaphrodites ou pseudo-hermaphrodites qui semblaient appartenir au sexe opposé du conjoint[38]. Cependant, dans la mesure où le mariage présume l’homme et la femme, un être sans ovaires ni testicules rendrait le mariage nul. Le tribunal d’Alès déclara nul le mariage d’un homme avec une prétendue femme n’ayant ni seins, ni ovaires, ni matrice, ni vagin et n’ayant jamais eu de règles ni douleurs menstruelles (jugement rendu le 28 avril 1869). Cependant, la cour d’appel de Nîmes cassa le jugement arguant qu’il s’agissait d’une femme à la conformation défectueuse (sans toutefois expliquer s’il s’agissait effectivement d’une femme ou d’un être ressemblant à une femme). La cour de cassation renvoya l’affaire devant la Cour de Montpellier, qui confirma le 8 Mai 1872, le jugement primitif d’Alès car « il ne pouvait exister de mariage quand la femme n’était, en réalité, pas une femme[39] ».
Un des intérêts particuliers que revêt cet article, ne relève pas uniquement de la richesse en termes d’études de cas mais d’un ensemble de dispositions ou suggestions que Wilhelm propose dans la dernière partie de cette publication. Dans le §6 intitulé « Les hermaphrodites, de lege ferenda[40] », il propose notamment l’introduction dans le registre des naissances d’une troisième catégorie sexuée[41]. Cette disposition – qui figure parmi les douze propositions légales formulées par Wilhelm – permettrait aux hermaphrodites de choisir le sexe duquel ils se sentent le plus proche au moment de leur majorité. (D’ailleurs, nous dit-il, « le droit romain décidait que les hermaphrodites devaient être considérés comme étant du sexe qui prédominait en eux[42]. »)
Ouverture
Au terme de ce tour d’horizon que dire de la vie et de l’œuvre de Wilhelm ? En premier lieu nous pouvons remarquer que ses publications fondent, de manière novatrice, un sous champ que l’on pourrait nommer « droit de l’homosexualité ». Deuxièmement, nous observons que les questions qu’il soulève sont en lien avec une notion centrale qui traverse toute son œuvre et sa vie : celle de l’honneur et par delà des normes sociales. Cette question constitue l’un des fils directeurs de son journal. Il en traite par ailleurs, par moments, dans quelques une de ses publications dont dans un article intitulé « Est ce que la désignation d’un homme en tant qu’homosexuel constitue une offense selon le Code pénal et dans quelle mesure[43] ? » Cet article marque une inflexion dans sa pensée puisqu’il s’agit ici d’inverser un stigmate et il annonce une grande évolution des législations relatives aux catégories sexuelles : celle d’un droit répressif vers un droit protecteur tel qu’il est envisagé de nos jours.
Le champ des publications que recouvrent celles d’Eugène Wilhelm est cependant bien plus vaste que les trois articles que nous avons abordés. Il ouvre en ce sens de nombreuses pistes de recherche qu’il conviendrait d’approfondir. Par exemple, comprendre comment s’est développé une pensée particulière, au niveau juridique et sociologique portant sur des identités et des relations et non plus uniquement sur des pratiques sexuelles. Une autre piste, plus ambitieuse, constituerait à reconstruire une généalogie des catégories sexuelles auxquelles Eugène Wilhelm, ainsi que ses contemporains font référence à travers une multitude de publications afin de comprendre comment des travaux plus anciens peuvent éclairer des débats contemporains relatifs aux transformations des formes de la famille, du couple, et plus généralement des transformations sociales majeures dont nous sommes actuellement les témoins.
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Notes
[1] La transcription et l’analyse du journal sont réalisées conjointement avec Kevin Dubout, doctorant à l’Université Humboldt de Berlin. À propos du journal et de sa « découverte » voir : Kevin Dubout et Régis Schlagdenhauffen, « Une archive inédite, le journal intime d’Eugène Wilhelm, Le Magasin du XIXe siècle, n°4, 2014.
[2] Eugen Wilhelm, Das Moment der Rechtswidrigkeit bei der Beleidigung. Inaugural-Dissertation zur Erlangung der juristischen Doctorwürde, verfasst und der Rechts- und Staatswissenschaftlichen Facultät der Kaiser-Wilhelm-Universität Straßburg vorgelegt, Straßburg, 1890.
[3] PrGSta [Preussische Geheimstaatsarchiv] I Ha Rep 89, Nr. 17478 (f. 122), 17479 (f. 193), 17480 (f. 104, 105, 145 et 156).
[4] Ce témoignage de reconnaissance est redoublé par celui des nouveaux rédacteurs de la revue (F. Simon et G. Struss), qui rappellent que depuis 1920 à 1938, « notre éminent confrère Me Wilhelm, avocat du Barreau de Strasbourg, avait assumé la lourde tâche de la rédaction avec la collaboration distinguée de M. le Doyen Duquesne ainsi que de Mes Degand et Kornprobst, avocats ». Fernand Simon et Gilbert Struss, « Note », Revue juridique d’Alsace et de Lorraine, 19, no. 11 (1938): pp. 558-61. Un vibrant hommage lui est rendu par l’ensemble du barreau de Strasbourg soulignant en Wilhelm un juriste incomparable, « dont la science juridique est sans limite et qui pendant des années a répandu les trésors de ses connaissances et l’expérience de sa longue carrière de magistrat et d’avocat dans ses notes et ses commentaires. Aussi expert en droit allemand qu’en droit français, il était particulièrement qualifié pour réunir et commenter la jurisprudence, qui a appliqué notre législation locale et qui a assuré la transition entre le droit d’avant et d’après guerre. » Frédéric Eccard, « Hommages », Revue juridique d’Alsace et de Lorraine, 19, n° 11 (1938): pp. 557-61
[5] Cf. Florence Tamagne, Histoire de l’homosexualité en Europe. Berlin, Londres, Paris (1919-1939), Paris, Seuil, 2000.
[6] Pour une bibliographie des publications de Wilhelm, cf. Hartmut Walravens, Eugen Wilhelm – Jurist und Sexualwissenschaftler. Eine Bibliographie, Hambourg, Arcana Bibliographica, 1984 et Paul Snijders, « Weitere Nachträge zur Eugen-Wilhelm-Bibliographie », Capri, n°11, 1991, p. 48.
[7] Cf. Hubert Kennedy, The life and works of Karl-Heinrich Ulrichs : Pioneer of the modern gay movement, Boston, Alyson Publications, 1988.
[8] À ce sujet, cf. Régis Schlagdenhauffen, « L’écriture de l’entrée dans la sexualité dans le journal intime inédit d’Eugène Wilhelm », in Fictions du masculin, Bernard Banoun et al. (éds.), Paris, Garnier, 2014.
[9]Journal, Carnet 2, f°38/40, lundi 2 août 1886. Nous avons procédé à une transcription semi-diplomatique du journal qui est, par moments, « crypté » en grec ancien. Afin d’en faciliter la lecture, ces caractères sont rendus en italique. Cf. Kevin Dubout, « Eugen Wilhelms Tagebücher. Editorische Probleme, Transkriptions- und Kommentarprobe », in Jörg Jungmayr et Marcus Schotte (éds.), Officina editorica, Berlin, 2011, p. 215–304.
[10] Journal, Carnet 9, f°14/55, 5 mai 1890.
[11] Journal, Carnet 11, f° 30/70, mardi 18 août 1890.
[12] Journal, carnet 9, f°22/55, mercredi 25 – samedi 28 août 1890.
[13] Journal, carnet 9, f°50/55, Lundi 8 septembre – jeudi 11 septembre 1890.
[14] Il s’agit de l’article du code pénal allemand condamnant les relations sexuelles entre hommes.
[15] En français uraniste.
[16] Journal, carnet 16, f°22/61, mardi 13 Novembre 1894.
[17] Dans le bilan annuel qu’il rédige il note qu’en 1896 « J’ai changé de fonctions à l’Amtsgericht ; je ne préside plus le Schöffengericht [= tribunal avec jury], par contre j’ai à remplir des fonctions d’un des trois juges au civil. Ces occupations sont de beaucoup plus difficiles, elles exigent plus de réflexion et de travail ; le travail est tout autre, essentiellement juridique. Les séances d’ordinaire durent jusqu’à une heure ; une quantité de jugements jusqu’à 8-10 par semaine demande un travail suivi et souvent fatiguant, quoique juridiquement intéressant. » Journal, carnet 17, f°32/69, 1896.
[18] Journal, carnet 19, f°56/58, lundi 26 février – dimanche 1 avril 1900.
[19] Cf. Nicolas Le Moigne, « L’affaire Eulenburg : homosexualité, pouvoir monarchique et dénonciation publique dans l’Allemagne impériale (1906-1908) », Politix 2005/3, no 71.
[20] Dr. Emil Petri, Unterstaatssekretär (Ministerium für Elsass-Lothringen, Abteilung für Justiz und Kultus), Wirklicher Geheimer Rat. (Adressbuch 1908 Partie IV, p. 369) ; Dr. Bernard Weyer, Landgerichtspräsident (Adressbuch 1908 Partie II, p. 461); Dr. Bernard Weyer, Landgerichtspräsident (Adressbuch 1908 Partie II, p. 461) ; Adolf Stadler, Ministerialrat und stellvertretender Univ.-Kurator (Adressbuch 1908 Partie II, p. 407), recherches biographiques réalisées par Kevin Dubout
[21] Journal, carnet 22, f°9-11/47, mars – 11 avril 1908.
[22] Ibid., f°15/47.
[23] Journal, carnet 31, f°33/40, 11 mai – 1 juin 1919.
[24] Journal, carnet 31, f°34-35/40, 1 juin – 6 juillet 1919.
[25] Ibid. f°36/40.
[26] Sur la question de l’arrestation des « homosexuels » en Alsace annexée, cf. Régis Schlagdenhauffen, « Désirs condamnés : punir les homosexuels en Alsace annexée (1940-45), Clio, n°39, 2014, p. 83-104.
[27] Journal, carnet 44, f°49/124, mardi 8 octobre – 31 décembre 1940.
[28] Journal, carnet 9, f°33/55, mardi et mercredi 16 et 17 Juillet 1890.
[29] Journal, carnet 9, 35/55, dimanche 3 août 1890.
[30] Dr. jur ***, « § 175 des deutschen Strafgesetzbuches und die Urningsliebe. Mit einem Nachwort von Professor Dr. Krafft-Ebing », Zeitschrift für die gesamte Strafrechtswissenschaft, vol. 12, 1892, p. 34-54.
[31] Le terme est attribué à un autre juriste, Karl-Heinrich Ulrichs (alias Numa Numantius) qui le forgea en 1867.
[32] Je me permets de rappeler à cet endroit qu’au moment où Wilhelm rédige son article il n’a encore jamais rencontré aucun « uraniste ». Il fonde donc son propos sur la manière dont les publications qu’il a pu lire font référence à cette catégorie.
[33] « Mardi 11 Décembre : « Reçu lettre de Krafft-Eb. en réponse à ma lettre le priant d’écrire pour éviter l’introduction du nouveau paragraphe en Suisse et en même temps lui adressant lettre pour Liszt du même genre avec prière de soulever la question. Réponse bien amicale, en même temps acceptation de mon offre de mettre 200 Marks à sa disposition pour la propagation de son écrit « Der Conträrsexuele vor dem Strafrichter » (1894). En même temps il m’envoie lettre de Liszt, reçue avant ma lettre adressée à lui et dans laquelle Liszt se montre également chaud partisan de l’abolition. »
[34] Numa Praetorius, « Homosexualität und bürgerliches Gesetzbuch », Jahrbuch für sexuelle Zwischenstufen, vol. 6, 1904, p. 1-61.
[35] En effet, lorsqu’il envoya sa biographie à l’auteur de la Psychopathia sexualis, celui-ci répondit à Wilhelm qu’il était de type « hermaphrodite psychique ». Cette catégorie, totalement caduque aujourd’hui, puisque désignant la bisexualité, entendu comme forme de désir dirigé vers les hommes et les femmes. Aussi, n’est ce pas tant de bisexualité mais d’intersexuation qu’il s’agit dans un troisième type de travaux juridiques.
[36] Eugen Wilhelm, Die rechtliche Stellung der (körperlichen) Zwitter de lege lata und de lege ferenda, Halle, 1909 (traduit en français en 1911 dans la Revue d’anthropologie criminelle sous le titre « L’hermaphrodite et le droit »).
[37] Les travaux de Philippe Reigné sur la notion de sexe mentionnent quelques uns des cas cités par Wilhelm. Cf. « La Cour de cassation et le changement d’état civil des personnes transidentitaires », Droit de la famille, sept. 2012, comm. 131 ; « Le changement de sexe devant la Cour de cassation. Le juge, l’expert et l’irréversibilité », Semaine juridique, éd. G, 2012, actualités 753 ; « Modification de l’état civil d’une personne transidentitaire en raison de l’irréversibilité des effets de son traitement hormonal », Semaine juridique, éd. G, 2012, actualités 124.
[38] 84 mariages de ce type ont été recensés jusqu’alors (L’Hermaphrodite et le droit, op. cit., p. 277). Pour les références citées, nous faisons usage de la version française.
[39] L’Hermaphrodite et le droit, op. cit., p. 280.
[40] Ibid., pp. 286 sq.
[41] « Qui se ferait à travers un changement de l’article 57 du Gode civil et un article additionnel » (op. cit., p. 291).
[42] §7. « Législations antérieures et étrangères », in Ibid., p. 293.
[43] Numa Praetorius, « Bildet die Bezeichnung eines Menschen als “homosexuell” eine Beleidigung im Sinne des Strafgesetzbuches und inwiefern? », Monatsschrift für Kriminalpsychologie und Strafrechtsreform, 1910, p. 340-46.
Paru dans Marie Cornu et al. (dir.), Les Archives et la genèse des lois, Paris, L’Harmattan, 2016, p. 237-54.